5 moments forts de la journée #3

VENDREDI 6 OCTOBRE. Le Prix Bayeux-Calvados est bel et bien lancé. Plusieurs tables rondes aujourd’hui : Amnesty International et le Soudan du Sud, le devenir de la Turquie… Demain, le prix des correspondants de guerre se dévoilera pleinement avec la liste des lauréats.

1 | Un journaliste au front, le quotidien d’un reporter sur le terrain

Projeté à 14 h 30 au cinéma Le Méliès de Bayeux, Un journaliste au front de Santiago Bertolino suit le travail du reporter de guerre Jesse Rosenfeld sur trois ans. Le documentariste cherche à sensibiliser les spectateurs aux difficultés de ce métier sur le terrain. Pour ce faire, Jesse Rosenfeld est observé dans sa préparation au Canada puis sur le terrain. Au Caire lors de l’élection du général Abdel Fattah Al-Sissi en 2014, en Israël et en Irak.

L’objectif est respecté et le spectateur découvre les problèmes de prendre contact avec des sources, d’être au cœur de l’actualité lorsqu’elle tombe et de pouvoir vendre un sujet préparé à une rédaction. Le pari du réalisateur en est d’autant plus intéressant puisque le journaliste qu’il suit ne travaille que pour la presse écrite. Un support qui, pour le réalisateur, est « plus difficile à vendre ».

Retrouvez une critique du film samedi 7 octobre sur notre site.

2 | La table ronde Amnesty International 

Les clichés d’Adriane Ohanesia ont illustré le propos des intervenantes. © Maxime Oliveira

« C’est un territoire au cœur des ténèbres. » Les mots employés par Michel Beuret, correspondant à Paris pour la Radio Télévision Suisse, au moment de décrire le Sud Soudan, sont particulièrement forts. Ils ont été prononcés lors de la table ronde Amnesty International intitulée « Sud Soudan : le conflit oublié », entre 18 h 30 et 19 h 30 à l’Espace Saint-Patrice de Bayeux.

Adriane Ohanesian, photographe américaine et auteure de l’exposition « Sud Soudan, point d’ébullition », ouverte tous les jours au Musée d’Art et d’Histoire de Bayeux jusqu’au 29 octobre, et Donatella Rovera,  responsable crises et conflits pour Amnesty International, ont apporté leur témoignage avant de répondre aux questions du public.

Les deux femmes ont décrit une région du monde au climat aride, où l’accès à l’eau est compliqué, où environ 95 % de la population est analphabète. Le Sud Soudan, fondé en 2011, est le plus jeune État du monde mais il souffre depuis 2013 d’une guerre civile entre partisans du président Salva Kiir et ceux de l’ancien vice-président Riek Machar. Cette situation entraîne de forts déplacements de populations : environ 2 millions de Sud-Soudanais ont migré depuis 2013, notamment vers l’Ouganda. 

3 | France Culture pose ses valises à l’Hôtel du Doyen

Vendredi 6 octobre, le logo violet de France Culture tapissait les murs de l’Hôtel du Doyen. © Jordan Guérin-Morin

La radio France Culture était en direct de l’Hôtel du Doyen à Bayeux, vendredi 6 octobre. Aurélie Kieffer présentait entre 17 et 18h l’émission « Le magazine de la rédaction », consacrée aux victimes de Daesh. Deux reportages de Marie-Pierre Verot étaient à l’honneur.

Le chercheur du CNRS Pierre-Jean Luizard y a réagi, en apportant ses connaissances sur le sujet. Ensemble, ils ont discuté du sort des femmes yézidies : « Elles sont réduites à l’esclavage sexuel par Daech. L’Etat islamique considère le yézidisme comme la religion du diable », a expliqué le chercheur. 

Nombreux étaient les curieux à se rendre à la diffusion publique. Certains assistaient à une émission radiophonique pour la première fois. Retrouvez plus d’informations dans notre diaporama sonore. 

4 |Bakthyiar Haddad, 15 ans dans la guerre d’Irak

Sur les murs de l’exposition, les photographies témoignent de l’engagement de Baktiyar Haddad. Le fixeur protégeait les journalistes et secourait les blessés. © Jordan Guérin-Morin

Bakhtiyar Haddad était journaliste et fixeur en Irak. Le 19 juin dernier, il  est mort à Mossoul dans l’explosion d’une mine artisanale. Au musée Mémorial de la Bataille de Normandie, une exposition retrace sa vie. Ponctuée de reportages écrits et de vidéos, la visite ne s’intéresse pas uniquement au fixeur. Elle dépeint le lien très fort entre Bakhtiyar Haddad et la situation politique de son pays. Il s’agit de la première exposition consacrée à un fixeur. 

Un premier hommage a déjà été rendu lors du Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre. Jeudi 5 octobre, le nom de Bakhtiyar Haddad a été gravé sur la stèle à la mémoire des reporters décédés dans l’exercice de leur métier.

Plus d’informations sur l’exposition consacrée à Bakhtiyar Hadad ici

5 | Les lycéens à la rencontre de Hala Kodmani

Hala Kodmani est l’auteure du livre « Seule dans Raqqa », sorti en mars dernier. © Jordan Guérin-Morin

Environ 70 lycéens de Bayeux et du reste du Calvados se sont réunis à 10 h 30 salle Saint-Laurent, pour un échange avec Hala Kodmani, responsable de la rubrique Syrie au journal Libération. Pendant une heure, les élèves ont interrogé la journaliste franco-syrienne sur sa profession, les dangers encourus sur le terrain, l’État Islamique, ou encore sa connaissance du régime de Bachar al-Assad.

Présente hier sur le plateau de France Inter, Hala Kodmani a d’abord décrit le danger de mort qui accompagne les journalistes sur le terrain. Elle est ensuite revenue sur les zones de guerre dévastées, fruit des multiples menaces encerclant les populations (régime syrien, Daesh, voire la coalition internationale). 

Dans le public, des élèves du lycée Jacques-Prévert de Pont-Audemer étaient notamment présents. L’établissement propose un atelier médias à ses lycéens, qui ont pu s’exercer aux productions journalistiques, en prenant des notes ou en procédant à des enregistrements radiophoniques. Ils étaient même plusieurs à exprimer leur déception quand est arrivée la dernière question. C’était également le cas de Fabrice Pilat, professeur d’histoire-géographie à Jacques-Prévert et responsable de l’atelier médias.

La rédaction

Une exposition pour fixer la mémoire de Bakhtiyar Haddad

Depuis le 2 octobre et jusqu’au 29, une exposition photographique est consacrée à Bakhtiyar Haddad au musée Mémorial de la Bataille de Normandie, à Bayeux. Ce journaliste et fixeur irakien a perdu la vie le 19 juin dernier, à Mossoul. Portraits de l’homme, reportages auxquels il a contribué, extraits vidéos de sa vie… L’exposition retrace son parcours, étroitement lié au conflit au Kurdistan irakien.

Le casque sur les oreilles, un visiteur s’isole pour regarder la vidéo sur le parcours du fixeur. © Jordan Guérin-Morin

L’exposition « Bakhtiyar Haddad, 15 ans de guerre en Irak » est un enchevêtrement. Des clichés de guerre et des moments de vie, plus calmes, avec le fixeur d’Erbil. Mais la visite n’est pas seulement photographique. Le spectateur y retrouve des vidéos, des textes d’hommage et des reportages publiés dans la presse française sur le conflit irakien.

Sur les murs, la cohabitation semble naturelle. « Bakhtiyar était aussi à l’aise dans le souk que sur la ligne de front », raconte Jean-Pierre Canet, ancien rédacteur en chef d’Envoyé Spécial, dans l’une des vidéos. Ce journaliste et fixeur décédé en juin dernier était un expert. Incontournable pour les journalistes occidentaux qui souhaitaient enquêter sur le front irakien.

Sur la photographie en haut à gauche, Bakhtiyar pose avec sa bien-aimée Mercedes. Sur les trois autres, la guerre. © Aurélien Defer

« Une vie incroyable »

François Hume-Ferkatadji, journaliste free-lance et correspondant pour Radio France en Egypte, est venu « découvrir le personnage » de Bakhtiyar Haddad. Devant ses yeux, certaines photographies du fixeur datent de 2003, sa première expérience en tant que fixeur. D’autres, bien plus récentes, prises en 2017. On le voit sur un toit de maison, en Irak, ou assis sur une chaise aux côtés du journaliste Samuel Forey. 

Au fil de la visite, on retrouve les photographies des journalistes ayant collaboré avec Bakhtiyar Haddad. © Aurélien Defer

Presque 15 ans sur le terrain à accompagner les journalistes internationaux. « Il a eu une vie incroyable, c’est rare d’être fixeur aussi longtemps », commente François Hume-Ferkatadji. « Nous, on ne le connaissait pas, mais tout le monde dit qu’il était le meilleur », poursuit le journaliste.

Une réputation que Bakhtiyar Haddad a forgé au fil de ses nombreuses collaborations avec des journalistes français : Martin Weill, Luc Mathieu, Véronique Robert, Arnaud Comte… Sous les photographies, de courts textes écrits par ceux qui le connaissaient le mieux. « Avec Bakhtiyar Haddad, on se sentait imbattable », décrit Samuel Forey.

À l’entrée de la salle, on découvre le visage de Bakhtiyar Haddad. © Aurélien Defer

Pourtant, à aucun moment, on ne rentre dans l’intimité du fixeur décédé, toujours rattaché au contexte politique irakien. Sans jamais tomber dans le pathétique, les photographies et les reportages de l’exposition défilent. Le visiteur voit les choses évoluer. À la fois Bakhtiyar Haddad, qu’il voit changer physiquement – malgré son sourire qui demeure – et la situation au Nord de l’Irak. 

L’exposition se clôt sur le décès des trois journalistes : Bakhtiyar Haddad, Véronique Robert et Stephan Villeneuve. Un dessin de Plantu, un portrait des deux reporters d’Envoyé Spécial et un sentiment amer. Leurs trois noms ont été gravés, jeudi 5 octobre, sur la stèle du Mémorial des reporters.

Sur la stèle, le nom du fixeur, aux côtés de ceux des deux journalistes d’Envoyé Spécial, décédés avec lui en juin dernier. © Aurélien Defer

Aurélien Defer

Benoît Christal rend hommage à Bakhtiyar Haddad

Benoît Christal, correspondant de TF1 au Moyen-Orient, a rendu hommage à Bakhtiyar Haddad avec qui il a travaillé à plusieurs reprises. Le reporter revient sur ses souvenirs depuis l’exposition qui est consacrée au fixeur au Prix Bayeux.