Raffi Lerma, les lois de la « drug war »

Raffi Lerma est un journaliste philippin. Il photographie les meurtres perpétrés dans le cadre de la politique de « drug war » menée par Rodrigo Duterte aux Philippines.

Violent tableau des rues philippines

Le Radar, un espace proche de la cathédrale de Bayeux, accueille  le travail de 18 photojournalistes. L’exposition « Guerre contre la drogue aux Philippines : La ronde de Nuit » nous plonge dans un pays marqué par des mois de violence.

La « Ronde de Nuit » est le nom donné par les photoreporters à leurs courses dans les rues philippines. À la recherche des scènes quotidiennes de la répression ordonnée par le président Rodrigo Duterte.  Policiers masqués et armés, cadavres gisant sur les trottoirs, familles en pleurs composent le tableau macabre dressé par l’exposition.

Cadavres anonymes

Le mode opératoire de la police semble être le suivant : se faire passer pour des vendeurs ou des acheteurs de drogues (généralement de méthamphétamine) pour identifier dealers et clients. Le déroulement de ce genre d’opération est opaque, mais on retrouve généralement le ou les suspects abattus. À côté de leur corps gît souvent un vieux revolver de calibre .38, élément sur lequel la police s’appuie pour justifier leurs tirs de légitime défense.

Rapprocher les photographies permet au spectateur de se plonger dans les nuits philippines. Quand son regard se pose sur un cliché, les autres scènes qui l’entourent renforcent l’immersion. © Pierre Petitcolin

Plus terrifiant encore, certains corps sont découverts abandonnés sur le trottoir, le visage enroulé de tissu ou de film plastique. L’origine de ces cadavres anonymes, souvent accompagné du message « J‘étais dealer ou toxicomane, ne faites pas comme moi », est floue. Face à eux, un portrait d’Edgar Matobato, ancien membre des DDS (Davado Death Squads), les escadrons de la mort de Davao. L’actuel président philippin, alors maire de cette ville, dirigeait ces milices. Selon le témoignage de l’ancien tueur à gage, leur tâche consistait à assassiner les nombreuses cibles désignées par Duterte : ses opposants politiques ainsi que les personnes qu’il soupçonne liées au trafic ou à la consommation de drogue.

Edgar Matobato affirme que les escadrons de la mort sont à présent déployés dans tout le pays. Et pourraient être à l’origine des cadavres anonymes jonchant les rues, ainsi que d’assassinats commis depuis des deux roues.

Les corps des victimes côtoient les visages éplorés de leurs familles. © Pierre Petitcolin

Entre neutralité et passion

L’autre scène récurrente de l’exposition est la douleur des familles des victimes. Ici, le rôle des photographes est salvateur. Aucune visibilité, aucun décompte officiel ne sont fait des morts de la « guerre contre la drogue ». Pour les familles, qu’un photo reporter puisse révéler la perte d’un proche leur donne enfin une reconnaissance. 

En préambule de l’exposition, les photographes déclarent : « Pour nous qui sommes sur le terrain, le conflit entre neutralité et passion est permanent. […] Les reportages sur les massacres dans la rue sont condamnés au prétexte qu’ils apportent un soutien aux toxicomanes et aux trafiquants. » Si l’exposition permet de saisir ce qui se déroule aux Philippines, le sélection de clichés crus, sans filtre, signe l’engagement de ses auteurs. Leur témoignage, au-delà d’informer les spectateurs, doit les amener à se révolter.

Pierre Petitcolin

Des photos pour susciter des mots // « La guerre contre la drogue aux Philippines »

À Bayeux mercredi 5 octobre, des lycéens de Granville et Mondeville visitaient l’exposition sur « la Guerre contre la drogue aux Philippines ». Après une explication du contexte par Justine Richard, responsable de l’exposition, les élèves découvrent les clichés des photographes philippins de la Ronde De Nuit.

Le choc des images

Des images dures et marquantes immortalisant le quotidien des habitants de Manille depuis l’arrivée au pouvoir de Rodrigo Duterte en 2016. Ce dernier mène, depuis son élection, une répression contre la drogue qui a déjà tué 9000 personnes.

Sur ces photos, des cadavres sur les trottoirs, des traces de sang et des personnes en larmes. Par petits groupes, les lycéens réagissent, posent des questions et prennent conscience de cette situation sanglante qui se déroule à plus 10 000 km de Bayeux.

Des réactions à retrouver en diaporama sonore.

Alexis Borne et Maxime James.