Pep Bonet, la dignité des oubliés

Le photographe et réalisateur majorquin Pep Bonet revient sur trois de ses photographies marquantes. Il remet l’humain là où il est parfois oublié. La première photographie porte sur le travail des enfants au Bangladesh. Pour le deuxième cliché, le photographe s’immisce dans une salle d’opération en Somalie. Enfin, la troisième photo reflète la misère au coeur d’un hôpital psychiatrique en Sierra Leone.

« L’exode de Mossoul » à Bayeux : le paradoxe de la distance

Du 2 au 29 octobre, les photographies du Danois Jan Grarup sont affichées dans les rues de Bayeux. La série « Exode de Mossoul », exposée dans les lieux emblématiques de la ville, reflète le quotidien d’habitants de la cité irakienne. Une fracture entre le calme de Bayeux et la violence des images de Mossoul.

L’exposition envahit la ville, parfois de manière invisible. © Briac Julliand

Dans les rues de Bayeux, riverains et touristes s’arrêtent devant les clichés de Jan Grarup. Presque tous sont commentés, en anglais et en français. Certains passent devant sans y prêter garde. La disposition de ces photographies, réalisées lors de la bataille de Mossoul, achevée en juillet dernier, a pour but de capter l’attention des passants. Par leur contenu ou leur disposition, elles font cohabiter deux civilisations, qui évoluent à plus de 4 000 kilomètres d’écart.

Le parallèle est parfois troublant. L’exposition, qui alterne temps de guerre et moments de vie, ne sombre jamais dans le misérabilisme. Sur la façade du service jeunesse et sports de la ville, la photographie de jeunes Irakiennes se promenant dans les rues de Mossoul après la libération de leur quartier est suspendue, comme une conclusion de la visite. Nombreux sont les clichés qui montrent le retour des habitants dans la ville irakienne, dans une insouciance toute relative, sans pour autant passer sous silence la violence des affrontements.

Les rives de l’Aure sont le théâtre de l’exposition. © Roxane de Witte

Beaucoup évoquent le contraste entre Bayeux et Mossoul, mais c’est le parallèle entre la ville et les images qui fait le plus parler. Le constat est frappant lorsque le public s’arrête pour admirer la photo d’habitantes de Mossoul visitant l’une des premières boutiques rouvertes à l’est de la ville, dans l’une des rues les plus marchandes du centre.

Le jardin de Salomé est une parcelle de balade, sur les bords de l’Aure, dédiée à la mémoire d’une jeune Bayeusaine décédée lors de l’attentat du 28 avril 2011 à Marrakech. À côté de la plaque commémorative, une photographie montrant la dépouille d’un combattant de l’État islamique.

Derrière la cathédrale de Bayeux, place de la Liberté, cinq photos. Elles montrent la détresse des Mossouliens au cours des batailles et durant leur fuite. Des images plus difficiles, symboliquement affichées dans un lieu à l’accès plus méconnu. Car, contrairement à d’autres expositions, pas de message de prévention : « L’exode de Mossoul » n’annonce pas le choc que peuvent provoquer certaines prises de vue.

La répartition thématique est l’un des principaux atouts de l’exposition. Elle donne de la consistance aux photographies de Jan Grarup et renforce leur symbolique. C’est la contextualisation des images, le parallèle avec la vie à Bayeux qui fait toute la force de l’installation. Les photographies peuplent la ville, que l’on y prête attention ou non.

Briac Julliand

La Syrie au premier plan

Depuis lundi dans la chapelle du musée de la tapisserie de Bayeux, l’exposition photo « Syrie : une exposition multimédia de l’AFP » propose une immersion dans six ans du conflit, entre combats et trêves.

photo de l'exposition
Une quarantaine de photographies sont affichées dans la chapelle du musée de la tapisserie de Bayeux. © Flavien Larcade

« Des oliviers, des moutons, une  plaine. Mais, en se rapprochant, le paysage cède le pas à la désolation. » Ces propos, extraits d’un « making-of » par la journaliste de l’Agence France Presse (AFP) Rana Massaoui, basée à Beyrouth, suffisent à résumer l’exposition. Celle-ci pourrait se contenter d’évoquer 300 000 morts par l’émotion, mais les photos vont au-delà. Elles semblent vivantes.

Les balles qui sifflent, les murs qui s’effondrent et le fracas des gravas au sol se font entendre. Des bruits qui se dégagent et s’ajoutent aux visages meurtris par les violences. Les corps bougent et les cris de détresse résonnent. Un mouvement rendu possible par l’approche des photographes.

L’immersion par l’image

L’une des photos les plus marquantes est celle de Baraa Al-Halabi. Un homme tient une jeune fille dans ses bras et appelle à l’aide. Prise en 2014 lors d’un bombardement à Alep, ce cliché lui a valu de remporter le Prix Fipcom International de Photojournalisme de l’Émirat de Fujaïrah en 2015. Une scène poignante, où la lumière et la couleur donnent l’impression que la poussière s’échappe dans l’air ambiant. Le cadrage est précis, l’œil se concentre directement sur les personnes au premier plan. 

De la souffrance des civils, le visiteur passe aux photos de combattants sur le terrain. Là aussi, les images s’animent. Les pas cadencés ou les balles qui sifflent se glissent dans les oreilles. Assis, accroupis, mitraillette en main, les images paraissent être prises au même endroit tant les gestes des soldats sont les mêmes. Elles proviennent pourtant de Yahmoul, Alep et Douma  entre 2013 et 2016.

photo enfants murs de l'exposition
Comme sur cette images de Joseph Eid, l’exposition met en avant les enfants syriens. Ici, deux jouent dans les ruines d’Alep en 2017. © Flavien Larcade

Apporter un souffle

Des scènes de combat, le regard se porte ensuite sur les villes démolies. Elles viennent apporter un souffle, la lumière ressemble à celle du calme après la tempête. Une pause avant de se retrouver de nouveau face aux civils. Ceux-ci poursuivent leur existence malgré le chaos.

Hamza Al-Ajweh immortalise ce moment avec un cliché en plan large d’un repas en plein air à Douma en juillet 2016. Il s’agit de l’Iftar, cérémonie de rupture du jeûne du ramadan. Dans les décombres, la scène semble inconcevable. La table, aux couleurs vives, contraste avec le paysage détruit. La nourriture est aussi évoquée dans une vidéo diffusée à proximité. Un soldat confie son « bonheur de manger à nouveau de la viande après quatre ans ». 
L’exposition se termine par le gros plan d’un téléphone portable. Un habitant arpente les ruines de Douma pour jouer à « Pokemon Go », comme il l’aurait fait sans les combats. Le visiteur doit en revanche se réhabituer à la lumière du jour en sortant de la chapelle. Tout en se rappelant que ce qu’il a vu est loin d’être un jeu vidéo mais bien la réalité.

photo petite fille Douma
Une petite fille syrienne attend des soins suite à des bombardements dans la ville de Douma. © Flavien Larcade

Flavien Larcade

Arnaud Comte, reportages à Mossoul

Arnaud Comte, grand reporter pour le JT de 13h et de 20h de France 2, nous raconte les dessous de ses reportages sur la bataille de Mossoul en Irak.

 

Clément Saccomani : du photoreportage au management

Ancien photo-reporter, Clément Saccomani est aujourd’hui directeur général de NOOR Images*. Ses nouvelles fonctions lui font voir une autre facette de la photographie : la gestion des reporters.

Clément Saccomani est directeur général de l’agence NOOR Images depuis 2015.

Au pied de l’exposition « Conflits oubliés, conflits de demain », à l’Hôtel du Doyen, Clément Saccomani est au téléphone, tel un homme d’affaires. À 36 ans, Clément Saccomani est à la tête de NOOR Images. Il a d’abord arpenté plusieurs pays, comme reporter indépendant. À ce moment, il était journaliste. « C’est vraiment la curiosité qui m’a poussé à ça. J’avais étudié le droit et la science politique avant d’être reporter. »

 

Il exerce son activité pendant plusieurs années, et traite des sujets qui lui tiennent à coeur. Il se rend notamment en Amérique du Sud pour travailler sur les violences sexuelles,  et les brutalités faites aux femmes, en particulier dans les prisons.

Un tournant nécessaire

Clément Saccomani ne glorifie pas son métier, la dangerosité du terrain ou l’adrénaline qu’il a pu ressentir. Il avoue même qu’une remise en question lui a été nécessaire, après six ans de photoreportage.

 

Rapidement, le journaliste devient directeur éditorial pour l’agence Magnum photos. Il débute ensuite un projet avec NOOR Images, dont il dirige les activités depuis 2015. « Noor est venu me chercher en m’offrant un poste de directeur général, à Amsterdam. J’ai pu exposer ma vision des choses, ce que je pense de l’industrie de la photographie, son marché, son économie, pour développer et assurer la pérennité de l’agence. » 

Dans l’éthique et l’engagement de NOOR, Clément Saccomani retrouve les sujets auxquels il tient, comme la violence faite sur les femmes. Sans s’éloigner du monde de la photographie qu’il affectionne toujours autant, il s’exerce à de nouvelles activités . 

Lorsqu’on lui demande s’il regrette le terrain, Clément est partagé. Evidemment, les difficultés du jeune reporter lui viennent à l’esprit. 

 

« Photographe, c’est le plus beau métier du monde »

Avec une métaphore bien à lui, il explique comment il voit la photographie, un travail non plus solitaire mais collectif. « C’est un gros gâteau dont le reporter, lorsqu’il appuie sur l’objectif, serait la cerise. Et beaucoup de maillons participent à l’élaboration de ce gâteau. Les photographies ne sont que la fin d’un long processus. » 

Il considère que son rôle de directeur général est plus utile pour l’information. « Mon activité est différente, mais je touche plus de monde, et les travaux de journalistes de Noor disposent d’une large audience. J’ai traité auparavant des sujets que je trouvais très importants, et j’ai réalisé à la fin que c’était compliqué. Je n’avais pas les ressources, les connaissances ou le réseau. Au final je vendais une ou deux photos, et c’était frustrant. » 

Clément Saccomani, permet à des journalistes de s’y rendre dans les meilleures conditions possibles. Il travaille avec une nouvelle philosophie : « être heureux pour les autres et pas tristes pour nous. »  

Dorian Girard et Alexandre Hodicq

*NOOR Images est une agence photographique créée en 2007.