Gwendoline Debono revient sur son travail en Syrie

Gwendoline Debono, reporter à Europe 1, a remporté le Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre 2017 dans la catégorie radio pour son reportage « L’entrée dans Mossoul » diffusé le 7 novembre 2016.

 

« L’exode de Mossoul » à Bayeux : le paradoxe de la distance

Du 2 au 29 octobre, les photographies du Danois Jan Grarup sont affichées dans les rues de Bayeux. La série « Exode de Mossoul », exposée dans les lieux emblématiques de la ville, reflète le quotidien d’habitants de la cité irakienne. Une fracture entre le calme de Bayeux et la violence des images de Mossoul.

L’exposition envahit la ville, parfois de manière invisible. © Briac Julliand

Dans les rues de Bayeux, riverains et touristes s’arrêtent devant les clichés de Jan Grarup. Presque tous sont commentés, en anglais et en français. Certains passent devant sans y prêter garde. La disposition de ces photographies, réalisées lors de la bataille de Mossoul, achevée en juillet dernier, a pour but de capter l’attention des passants. Par leur contenu ou leur disposition, elles font cohabiter deux civilisations, qui évoluent à plus de 4 000 kilomètres d’écart.

Le parallèle est parfois troublant. L’exposition, qui alterne temps de guerre et moments de vie, ne sombre jamais dans le misérabilisme. Sur la façade du service jeunesse et sports de la ville, la photographie de jeunes Irakiennes se promenant dans les rues de Mossoul après la libération de leur quartier est suspendue, comme une conclusion de la visite. Nombreux sont les clichés qui montrent le retour des habitants dans la ville irakienne, dans une insouciance toute relative, sans pour autant passer sous silence la violence des affrontements.

Les rives de l’Aure sont le théâtre de l’exposition. © Roxane de Witte

Beaucoup évoquent le contraste entre Bayeux et Mossoul, mais c’est le parallèle entre la ville et les images qui fait le plus parler. Le constat est frappant lorsque le public s’arrête pour admirer la photo d’habitantes de Mossoul visitant l’une des premières boutiques rouvertes à l’est de la ville, dans l’une des rues les plus marchandes du centre.

Le jardin de Salomé est une parcelle de balade, sur les bords de l’Aure, dédiée à la mémoire d’une jeune Bayeusaine décédée lors de l’attentat du 28 avril 2011 à Marrakech. À côté de la plaque commémorative, une photographie montrant la dépouille d’un combattant de l’État islamique.

Derrière la cathédrale de Bayeux, place de la Liberté, cinq photos. Elles montrent la détresse des Mossouliens au cours des batailles et durant leur fuite. Des images plus difficiles, symboliquement affichées dans un lieu à l’accès plus méconnu. Car, contrairement à d’autres expositions, pas de message de prévention : « L’exode de Mossoul » n’annonce pas le choc que peuvent provoquer certaines prises de vue.

La répartition thématique est l’un des principaux atouts de l’exposition. Elle donne de la consistance aux photographies de Jan Grarup et renforce leur symbolique. C’est la contextualisation des images, le parallèle avec la vie à Bayeux qui fait toute la force de l’installation. Les photographies peuplent la ville, que l’on y prête attention ou non.

Briac Julliand

5 moments forts de la journée #3

VENDREDI 6 OCTOBRE. Le Prix Bayeux-Calvados est bel et bien lancé. Plusieurs tables rondes aujourd’hui : Amnesty International et le Soudan du Sud, le devenir de la Turquie… Demain, le prix des correspondants de guerre se dévoilera pleinement avec la liste des lauréats.

1 | Un journaliste au front, le quotidien d’un reporter sur le terrain

Projeté à 14 h 30 au cinéma Le Méliès de Bayeux, Un journaliste au front de Santiago Bertolino suit le travail du reporter de guerre Jesse Rosenfeld sur trois ans. Le documentariste cherche à sensibiliser les spectateurs aux difficultés de ce métier sur le terrain. Pour ce faire, Jesse Rosenfeld est observé dans sa préparation au Canada puis sur le terrain. Au Caire lors de l’élection du général Abdel Fattah Al-Sissi en 2014, en Israël et en Irak.

L’objectif est respecté et le spectateur découvre les problèmes de prendre contact avec des sources, d’être au cœur de l’actualité lorsqu’elle tombe et de pouvoir vendre un sujet préparé à une rédaction. Le pari du réalisateur en est d’autant plus intéressant puisque le journaliste qu’il suit ne travaille que pour la presse écrite. Un support qui, pour le réalisateur, est « plus difficile à vendre ».

Retrouvez une critique du film samedi 7 octobre sur notre site.

2 | La table ronde Amnesty International 

Les clichés d’Adriane Ohanesia ont illustré le propos des intervenantes. © Maxime Oliveira

« C’est un territoire au cœur des ténèbres. » Les mots employés par Michel Beuret, correspondant à Paris pour la Radio Télévision Suisse, au moment de décrire le Sud Soudan, sont particulièrement forts. Ils ont été prononcés lors de la table ronde Amnesty International intitulée « Sud Soudan : le conflit oublié », entre 18 h 30 et 19 h 30 à l’Espace Saint-Patrice de Bayeux.

Adriane Ohanesian, photographe américaine et auteure de l’exposition « Sud Soudan, point d’ébullition », ouverte tous les jours au Musée d’Art et d’Histoire de Bayeux jusqu’au 29 octobre, et Donatella Rovera,  responsable crises et conflits pour Amnesty International, ont apporté leur témoignage avant de répondre aux questions du public.

Les deux femmes ont décrit une région du monde au climat aride, où l’accès à l’eau est compliqué, où environ 95 % de la population est analphabète. Le Sud Soudan, fondé en 2011, est le plus jeune État du monde mais il souffre depuis 2013 d’une guerre civile entre partisans du président Salva Kiir et ceux de l’ancien vice-président Riek Machar. Cette situation entraîne de forts déplacements de populations : environ 2 millions de Sud-Soudanais ont migré depuis 2013, notamment vers l’Ouganda. 

3 | France Culture pose ses valises à l’Hôtel du Doyen

Vendredi 6 octobre, le logo violet de France Culture tapissait les murs de l’Hôtel du Doyen. © Jordan Guérin-Morin

La radio France Culture était en direct de l’Hôtel du Doyen à Bayeux, vendredi 6 octobre. Aurélie Kieffer présentait entre 17 et 18h l’émission « Le magazine de la rédaction », consacrée aux victimes de Daesh. Deux reportages de Marie-Pierre Verot étaient à l’honneur.

Le chercheur du CNRS Pierre-Jean Luizard y a réagi, en apportant ses connaissances sur le sujet. Ensemble, ils ont discuté du sort des femmes yézidies : « Elles sont réduites à l’esclavage sexuel par Daech. L’Etat islamique considère le yézidisme comme la religion du diable », a expliqué le chercheur. 

Nombreux étaient les curieux à se rendre à la diffusion publique. Certains assistaient à une émission radiophonique pour la première fois. Retrouvez plus d’informations dans notre diaporama sonore. 

4 |Bakthyiar Haddad, 15 ans dans la guerre d’Irak

Sur les murs de l’exposition, les photographies témoignent de l’engagement de Baktiyar Haddad. Le fixeur protégeait les journalistes et secourait les blessés. © Jordan Guérin-Morin

Bakhtiyar Haddad était journaliste et fixeur en Irak. Le 19 juin dernier, il  est mort à Mossoul dans l’explosion d’une mine artisanale. Au musée Mémorial de la Bataille de Normandie, une exposition retrace sa vie. Ponctuée de reportages écrits et de vidéos, la visite ne s’intéresse pas uniquement au fixeur. Elle dépeint le lien très fort entre Bakhtiyar Haddad et la situation politique de son pays. Il s’agit de la première exposition consacrée à un fixeur. 

Un premier hommage a déjà été rendu lors du Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre. Jeudi 5 octobre, le nom de Bakhtiyar Haddad a été gravé sur la stèle à la mémoire des reporters décédés dans l’exercice de leur métier.

Plus d’informations sur l’exposition consacrée à Bakhtiyar Hadad ici

5 | Les lycéens à la rencontre de Hala Kodmani

Hala Kodmani est l’auteure du livre « Seule dans Raqqa », sorti en mars dernier. © Jordan Guérin-Morin

Environ 70 lycéens de Bayeux et du reste du Calvados se sont réunis à 10 h 30 salle Saint-Laurent, pour un échange avec Hala Kodmani, responsable de la rubrique Syrie au journal Libération. Pendant une heure, les élèves ont interrogé la journaliste franco-syrienne sur sa profession, les dangers encourus sur le terrain, l’État Islamique, ou encore sa connaissance du régime de Bachar al-Assad.

Présente hier sur le plateau de France Inter, Hala Kodmani a d’abord décrit le danger de mort qui accompagne les journalistes sur le terrain. Elle est ensuite revenue sur les zones de guerre dévastées, fruit des multiples menaces encerclant les populations (régime syrien, Daesh, voire la coalition internationale). 

Dans le public, des élèves du lycée Jacques-Prévert de Pont-Audemer étaient notamment présents. L’établissement propose un atelier médias à ses lycéens, qui ont pu s’exercer aux productions journalistiques, en prenant des notes ou en procédant à des enregistrements radiophoniques. Ils étaient même plusieurs à exprimer leur déception quand est arrivée la dernière question. C’était également le cas de Fabrice Pilat, professeur d’histoire-géographie à Jacques-Prévert et responsable de l’atelier médias.

La rédaction

Mosul, portraits de guerre

En suivant une escouade des forces spéciales irakiennes, Olivier Sarbil dépeint, dans son documentaire « Mosul », la bataille survenue dans la ville éponyme huit mois durant. Projeté le jeudi 5 octobre en avant-première au Prix Bayeux-Calvados, le film se démarque en s’attardant sur le point de vue des hommes qui mènent ce conflit.

Olivier Sarbil (à gauche) lors du débat qui a suivi la projection, avec Loïc Berrou, Gwendoline Debono et Laurent Van der Stockt.

« Tant que le coeur bat, il y a de l’espoir. » C’est sur ce leitmotiv, prononcé à de nombreuses reprises par les soldats irakiens, que s’ouvre Mosul. Il reflète la décision du réalisateur de placer l’humain, plus que le combattant, au centre de son film. Olivier Sarbil construit son récit sur le quotidien d’une escouade de dix hommes. Quand ils ne fêtent pas la libération d’un quartier, les soldats racontent, face caméra, les raisons de leur engagement dans l’armée et leur vision du conflit.

Seul sur le front

Le réalisateur a choisi de partir seul et sans traducteur pendant près de six mois sur la ligne de front, ce qui lui a permis de créer des liens forts avec les soldats, empreints d’empathie. Il n’hésite par à les filmer au téléphone avec leur famille, ce qui rappelle leurs statuts de père, mari et amant. Un procédé narratif qui semble parfois intrusif, mais qui sert toujours les propos du réalisateur.

Une part importante des scènes de bataille dévoile la complexité des relations qu’entretiennent militaires et civils. La présence des Mossouliens illustre les difficultés des forces armées à reprendre la ville : elle complique leur progression et les soldats redoutent qu’il y ait des terroristes parmi eux. Cette méfiance règne dans tous les esprits et est parfois à l’origine de violences à l’égard des habitants. Une scène montre notamment des militaires forcer un habitant à regarder dans la rue pour voir si des membres de Daesh s’y trouvent, pendant que d’autres menacent un enfant pour qu’il leur livre l’identité de partisans de l’État islamique.

Ces pratiques, en complément d’exactions déjà commises par l’armée irakienne par le passé, ne rendent que plus paradoxal le rapport entre militaires et civils : les deux camps doutent en permanence des intentions de leurs interlocuteurs. Le face caméra des membres de l’escouade est d’ailleurs l’occasion pour eux de déplorer ces pratiques.

Entraîné pour tuer

Le film témoigne de la haine de l’armée irakienne envers son ennemi. Amjad, sniper de l’escouade, calcule le nombre de ses victimes et s’en vante. Comme ses camarades, il est entraîné pour tuer, ce qui n’est pas sans conséquences. Dans les dernières interviews, les combattants rapatriés avant la fin du conflit se confient sur le stress-post traumatique dont ils sont l’objet.

Olivier Sarbil affiche dans Mosul des partis-pris techniques qui tendent parfois vers la fiction, que ce soit par la narration, la photographie ou la musique, composée par Grant Marshall et Stew Jackson du collectif Massive Attack. Le film parvient toutefois à garder sa crédibilité grâce à l’implication louable du réalisateur sur le terrain.

Briac Julliand

Benoît Christal rend hommage à Bakhtiyar Haddad

Benoît Christal, correspondant de TF1 au Moyen-Orient, a rendu hommage à Bakhtiyar Haddad avec qui il a travaillé à plusieurs reprises. Le reporter revient sur ses souvenirs depuis l’exposition qui est consacrée au fixeur au Prix Bayeux.