Reporters occidentaux en Afrique : regards croisés

Quatre reporters occidentaux s’expriment sur le métier de reporter, en continent africain. Ne pas venir de la région est parfois un avantage, d’autre fois un inconvénient. Regards croisés sur les conditions de travail.

Avec les témoignages de Justine Brabant, Anthony Fouchard, Guillaume Lavallée et Jenna Le Bras et Adriane Ohanesian

Mathilde Hérard et Olympia Roumier

Être reporter au Moyen-Orient, quelles conditions ?

Dans quelles conditions les reporters au Moyen-Orient travaillent-ils ? Une majorité d’entre eux se retrouve confrontée à la barrière de la culture et de la langue. Travail avec un fixeur, manifestations ou zones de conflit direct, quelques kilomètres peuvent faire évoluer la production journalistique.

Entretiens croisés de Valérie Crova, Hala Kodmani, Raphaël Krafft, et Leïla Minano.

Mathilde Hérard, Olympia Roumier

5 moments forts de la journée #4

SAMEDI 7 OCTOBRE. C’est le D-Day. Aujourd’hui, les noms des lauréats sont dévoilés. La soirée de remise des prix est animée par Nicolas Poincaré, chef du service reportage d’Europe 1. Demain, le Prix Bayeux-Calvados entrera dans sa dernière journée. 

1 | La remise des prix

Le vote du jury du public a eu lieu ce matin, à 10 h. Le prix sera décerné ce soir © Maxime Marie

C’est le point d’orgue du festival. La soirée de remise des prix, présentée par Nicolas Poincaré, débute à 18 h 30 au Pavillon Prix Bayeux-Calvados. Le jury international attribuera les trophées dans les catégories presse écrite, télévision, télévision grand format, photo, radio, jeune reporter et image vidéo. Trois prix spéciaux vont également être décernés : le prix Ouest-France Jean Marin (presse écrite), le prix région des lycéens et apprentis de Normandie (télévision) et le prix du public (photo).

La soirée est aussi l’occasion de revenir sur l’actualité de l’année. Certains sujets inédits, prévus pour l’événement, y sont également diffusés. 

Pour plus d’information en temps réel, suivez notre live de la soirée ici

2 | La Turquie d’Erdogan 

Quatre grands reporters étaient invités pour analyser la situation : le photographe Mathias Depardon et les journalistes Guillaume Perrier, Jana Jabbour et Erol Onderoglu © Prix Bayeux

La Turquie est actuellement vue comme un régime de terreur sous la coupe du président Receip Erdogan. Pour évoquer la situation, une soirée intitulée « Où va la Turquie d’Erdogan ? » était organisée vendredi soir au Pavillon Prix Bayeux-Calvados en présence de grands reporters.

Pour plus d’information, retrouvez notre zoom sur la Turquie ici.

3 | Le Salon du livre

Salon du livre, Prix Bayeux, 2017

Le pavillon du Prix Bayeux accueillait aujourd’hui son salon du livre. Reporters, photographes et même dessinateurs étaient réunis pour dédicacer leurs ouvrages et échanger avec le public. Les reporters discutent entre eux, partagent leurs expériences sur le terrain. Le dessinateur Thomas Azuélos, qui publie « Le Fantôme Arménien », prend même le temps de réaliser des dessins pour ses lecteurs.

Thomas Azuélos dédicace la BD « Le Fantôme Arménien » , qu’il a illustré. 

Les livres couvrent diverses partie du monde. Mali, Quatar, Syrie, Turquie, Centre Afrique, de nombreuses histoires habitent le pavillon Bayeux pour cette journée. 

Hala Kodmani dédicace son livre « Seule dans Raqqa » au Salon du livre du Prix Bayeux

 

 

 

4 | Mossoul, un combat idéologique 

Lucas Menget (à droite), a posé de nombreuses questions au reporter Jeremy Bowen (à droite), samedi 7 octobre à l’auditorium de Bayeux. © Jordan Guérin-Morin

Quelques heures avant la remise des prix, le président du jury Jeremy Bowen a participé à une table ronde devant une centaine de personnes à l’auditorium de Bayeux. Le rédacteur en chef de la BCC et reporter au Moyen-Orient a répondu aux questions du directeur adjoint de France Info, Lucas Menget. 

Jeremy Bowen est d’abord revenu sur la délibération du jury du Prix Bayeux. « Je ne vais pas vous donner le nom du vainqueur. Je serais obliger de vous tuer », plaisante Jeremy Bowen déclenchant les rires du public. 

Plus sérieux, Jeremy Bowen a ensuite expliqué les particularités de la bataille de Mossoul. « C’est un combat classique, rue par rue, maison par maison. La nouveauté, c’est la volonté des combattants. Maintenant, ils sont prêts à mourir. Les djihadistes sont prêts à tout. » 

Jeremy Bowen a ensuite expliquer que les armes ne suffisent pas à affronter l’Etat islamique. » Il faut mobiliser l’éducation et la politique. Les djihadistes sont présents en France et en Grande Bretagne, pas seulement au Moyen Orient « , a souligné le vainqueur du Prix Bayeux 2009. « Les djihadistes sont des personnes déconnectées de la culture de leurs pays. Ils se tournent vers une nouvelle idéologie » , a-t-il ajouté. 

5 | Un échange avec les auteurs au Forum Médias 

Anne-Laure Pineau, Justine Brabant et Leïla Minano ont présenté Impunité Zéro © Waldemar de Laage

Un échange privilégié entre les journalistes et le public. Voici le souhait du Forum Médias, qui s’est déroulé de 10 h 30 à 12 h puis de 14 h à 17 h à l’Espace Saint-Patrice de Bayeux. Six auteurs participant également au Salon du livre y ont présenté leurs ouvrages face à une quarantaine de personnes.

Le forum était animé par Claude Guibal, qui s’est attachée à poser le contexte historique autour des œuvres et à préciser des points de définition. « Les auteurs peuvent prendre le temps de se présenter, d’expliquer leur travail et leur livre. C’est enrichissant et un peu plus intimiste », explique-t-elle.

Les auteurs ont eu à tour de rôle 45 minutes pour s’exprimer et répondre aux questions du public. La nature des ouvrages a pris des formes variées. Le matin, Adrien Absolu a présenté Les Forêts profondes, qui traite l’apparition du virus Ebola sous forme romanesque ; suivi par Quelle diplomatie pour la France, de Renaud Girard. L’après-midi a repris avec Impunité Zéro, une enquête d’Anne-Laure Pineau, Justine Brabant et Leïla Minano – également présentée à France Inter jeudi. Ont ensuite suivi Le Pays des Purs, une bande dessinée de Sarah Caron et Hubert Maury ; Une fleur sur les cadavres, sur les traces des chasseurs de bourreaux d’Émilie Blachère ; et enfin Journey Man, du photographe Thomas Haley. 

La rédaction

La Syrie au premier plan

Depuis lundi dans la chapelle du musée de la tapisserie de Bayeux, l’exposition photo « Syrie : une exposition multimédia de l’AFP » propose une immersion dans six ans du conflit, entre combats et trêves.

photo de l'exposition
Une quarantaine de photographies sont affichées dans la chapelle du musée de la tapisserie de Bayeux. © Flavien Larcade

« Des oliviers, des moutons, une  plaine. Mais, en se rapprochant, le paysage cède le pas à la désolation. » Ces propos, extraits d’un « making-of » par la journaliste de l’Agence France Presse (AFP) Rana Massaoui, basée à Beyrouth, suffisent à résumer l’exposition. Celle-ci pourrait se contenter d’évoquer 300 000 morts par l’émotion, mais les photos vont au-delà. Elles semblent vivantes.

Les balles qui sifflent, les murs qui s’effondrent et le fracas des gravas au sol se font entendre. Des bruits qui se dégagent et s’ajoutent aux visages meurtris par les violences. Les corps bougent et les cris de détresse résonnent. Un mouvement rendu possible par l’approche des photographes.

L’immersion par l’image

L’une des photos les plus marquantes est celle de Baraa Al-Halabi. Un homme tient une jeune fille dans ses bras et appelle à l’aide. Prise en 2014 lors d’un bombardement à Alep, ce cliché lui a valu de remporter le Prix Fipcom International de Photojournalisme de l’Émirat de Fujaïrah en 2015. Une scène poignante, où la lumière et la couleur donnent l’impression que la poussière s’échappe dans l’air ambiant. Le cadrage est précis, l’œil se concentre directement sur les personnes au premier plan. 

De la souffrance des civils, le visiteur passe aux photos de combattants sur le terrain. Là aussi, les images s’animent. Les pas cadencés ou les balles qui sifflent se glissent dans les oreilles. Assis, accroupis, mitraillette en main, les images paraissent être prises au même endroit tant les gestes des soldats sont les mêmes. Elles proviennent pourtant de Yahmoul, Alep et Douma  entre 2013 et 2016.

photo enfants murs de l'exposition
Comme sur cette images de Joseph Eid, l’exposition met en avant les enfants syriens. Ici, deux jouent dans les ruines d’Alep en 2017. © Flavien Larcade

Apporter un souffle

Des scènes de combat, le regard se porte ensuite sur les villes démolies. Elles viennent apporter un souffle, la lumière ressemble à celle du calme après la tempête. Une pause avant de se retrouver de nouveau face aux civils. Ceux-ci poursuivent leur existence malgré le chaos.

Hamza Al-Ajweh immortalise ce moment avec un cliché en plan large d’un repas en plein air à Douma en juillet 2016. Il s’agit de l’Iftar, cérémonie de rupture du jeûne du ramadan. Dans les décombres, la scène semble inconcevable. La table, aux couleurs vives, contraste avec le paysage détruit. La nourriture est aussi évoquée dans une vidéo diffusée à proximité. Un soldat confie son « bonheur de manger à nouveau de la viande après quatre ans ». 
L’exposition se termine par le gros plan d’un téléphone portable. Un habitant arpente les ruines de Douma pour jouer à « Pokemon Go », comme il l’aurait fait sans les combats. Le visiteur doit en revanche se réhabituer à la lumière du jour en sortant de la chapelle. Tout en se rappelant que ce qu’il a vu est loin d’être un jeu vidéo mais bien la réalité.

photo petite fille Douma
Une petite fille syrienne attend des soins suite à des bombardements dans la ville de Douma. © Flavien Larcade

Flavien Larcade

ZOOM #3 : La famille de Javier Valdez Cárdenas défend la liberté de la presse

Griselda Triana était au Prix Bayeux-Calvados pour rendre hommage à son mari Javier Valdez Cárdenas, journaliste mexicain tué par balle en mai dernier. De cette disparition est née un engagement familial en faveur de la liberté de la presse.

La famille de Javier Valdez Cárdenas, de gauche à droite : sa fille Tania Valdez, son épouse Griselda Triana et sa soeur Dora Valdez. © Jordan Guérin-Morin

« Nous restons à Bayeux jusqu’à demain », glisse Griselda Triana. La femme du journaliste mexcain Javier Valdez Cárdenas est attablée à la terrasse d’un restaurant bayeusain. Son mari était spécialiste du narcotrafic, il a été tué par balle le 15 mai dernier à Culiacan dans l’État du Sinaloa. Griselda Triana a parcourru 9 000 kilomètres pour lui rendre hommage.

Instant émouvant pendant le dévoilement de la stèle à la mémoire des reporters décédés. © Jordan Guérin-Morin

« Javier est mort dans la ville où il est né », a-t-elle insisté lors du dévoilement de la stèle 2016-2017 du Mémorial des reporters. « C’est important que le nom de mon mari soit gravé sur cette stèle », explique Griselda Triana. Le soleil brille sur sur ses cheveux roux. Elle commande et poursuit. « Hier, je me suis exprimée au micro pour rendre hommage à Javier et pour que personne n’oublie. » Les yeux de Griselda sont humides. Pourtant, elle ne laisse rien paraître.

Avec patience, elle répond aux questions et affronte la barrière de la langue. Sa fille, Tania Valdez, s’improvise interprète. Javier Valdez Cárdenas était le fondateur du quotidien Riodoce. Sa mort laisse place à un combat familial en faveur de la liberté d’expression. « La liberté d’expression est un droit universel. Tout le monde doit pouvoir s’exprimer », souligne Griselda Triana.

La serveuse dépose un hamburger sur la table. « Graciás », remercie Griselda. Elle reprend : « Aujourd’hui, je me bats pour que les journalistes puissent informer de manière critique et indépendante ».

La fille de Javier Valdez Cárdenas porte un tee-shirt à l’effigie de son père. © Jordan Guérin-Morin

Dora Valdez, la sœur de Javier Valdez Cárdenas, approuve en silence. Le métier de journaliste a coûté la vie de son frère. « Javier est mort parce qu’il a utilisé sa liberté d’expression avec les moyens de communication que sont internet et les réseaux sociaux », explique Griselda Triana. Elle conclut : « Il s’est exprimé à un moment où le Mexique est dangereux »

Le cas de Javier Valdez Cárdenas n’est pas isolé. Il était le sixième journaliste tué depuis janvier 2017 au Mexique. « Les journalistes mexicains sont en danger » , souligne Griselda Triana. « Il faut les protéger pour qu’ils puissent être libre de travailler. » La famille de Javier Valdez Cárdenas est déterminée. Sa fille Tania Valdez se lève de sa chaise. Elle écarte son manteau. Elle porte un tee-shirt à l’effigie de son père.

Jordan Guérin-Morin